Violence(s) et climat, à propos des manifestations du 6 avril prochain
Le 15 mars dernier à Lausanne, des membres du CENAC ont répondu à l’appel des jeunes à venir manifester avec eux, pour inciter le monde politique à s’engager plus vigoureusement dans la lutte contre les dérèglements climatiques. «Pour un climat non-violent», et «Non à la violence climatique», pouvait-on lire sur leurs pancartes. Au-delà des jeux de mots, quelles interactions y a-t-il entre violence(s) et problèmes climatiques? Et en quoi une approche non-violente des conflits devrait-elle contribuer à contrer la crise du climat?
Cause majeure des transformations climatiques, la surexploitation de ressources telles que le pétrole, l’uranium et les métaux rares, mais aussi l’eau, convoitées pour assouvir le consumérisme vorace de l’Homme, se traduit par de nombreux conflits armés, souvent peu médiatisés: Soudan du Sud, Kivu (Congo), Sahel, Centrafrique… L’accès à l’eau potable, que les changements climatiques rendent de plus en plus critique, est également un enjeu croissant en termes de conflits violents: Palestine, Amazonie, Kurdistan, Tibet…
La pression sur les ressources raréfiées et la concurrence féroce pour se les approprier provoquent des violences incommensurables, avec chaque année des viols par dizaines de milliers, des morts et des blessés par millions, l’enrôlement de nombreux enfants-soldats, d’amples migrations forcées, etc. Dire non aux violences que le pillage de ses ressources fait subir à la Planète, c’est aussi dire non aux violences contre l’Homme que ce pillage induit.
Par ailleurs, les moyens de combat déployés à plus ou moins large échelle, dans le cadre de conflits internes ou internationaux, sont également des sources de pollution notoires et durables. Qu’il s’agisse des munitions enfouies au fond de la Mer baltique, des pesticides utilisés durant la guerre du Vietnam, des armes chimiques déversées en Syrie ou des millions de mines dispersées en Afghanistan, ou en Bosnie comme au Cambodge, des produits conçus pour être toxiques pour l’être humain et l’environnement sont désormais omniprésents, en raison de conflits armés, et dégradent durablement les conditions de vie des habitants.
Il s’agit ainsi d’un cercle vicieux, où la concurrence pour l’accès aux ressources suscite des violences massives, et où les violences massives détruisent de fragiles ressources vitales; ravivant des formes de conflits ravageuses tant pour l’Homme que pour le climat. Et sans surprise, les personnes les plus touchées sont celles qui sont déjà les plus défavorisées, notamment les plus pauvres, et les femmes davantage que les hommes.
Or on ne sauve pas la Planète contre les êtres humains, mais bien avec et pour eux. S’ils entendent vivre en harmonie avec leur environnement, ils se doivent aussi de cultiver leur humanité. «Ni hérisson ni paillasson»; respecter et se respecter. Etre en paix avec la Planète passe également par une approche plus éclairée des conflits de toute nature, puisant sa légitimité dans la recherche collective et non-violente de davantage d’équité. Les approches non-violentes, tant collectives, voire internationales, qu’individuelles, ne manquent pas.
Un meilleur partage des ressources est intimement lié à une gestion plus constructive des conflits: ceux-ci ne sont-ils pas aussi des sources d’énergie et de créativité inépuisables… pour autant qu’ils soient empoignés de manière pacifique et responsable?!
Comme de très nombreux citoyens tout autour de la Terre, nous retournerons manifester samedi 6 avril. Contre les violences, entre êtres humains et envers notre environnement; pour la non-violence, et pour un climat sain! Et nous espérons que vous aussi serez là.
Lausanne, 25 mars 2019
Pour le Centre pour l’action non-violente (CENAC), Luc Vodoz