Cet opuscule, d’une lecture facile, se présente comme une interview ; il compte autant de chapitres que de mois dans l’année, les huit premiers couvrant le Testament judaïque et les quatre derniers celui ajouté par le christianisme.
Le théologien catholique interrogé souligne en prologue que la violence se rencontre partout dans ces textes, jusqu’à Jésus fouettant les changeurs du Temple ; il évoque même une centaine de passages où c’est Yahvé lui-même qui pousse son peuple au massacre. Mais il ajoute que « la Bible n’a besoin ni d’avocat, ni de plaidoyer ».
De fait, c’est quand même l’impression qui ressort de maints propos du théologien, comme : la Genèse est moins violente que les mythes babyloniens antérieurs ; Yahvé n’est pour rien dans la jalousie meurtrière de Caïn et il promet à Noé de ne plus envoyer de déluge ; la violente conquête hébraïque de Canaan est une fiction littéraire postérieure, fondée sur la légitimité de la Loi donnée à un peuple ; le psaume 137 est l’expression de la saine colère de justes persécutés contre leurs geôliers, etc.
Toutefois, en évoquant les contre-violences des Juifs persécutés (comme celles du livre d’Esther), Philippe Abadie ne les justifie pas ; il préfère pointer ce qu’il nomme de « bienheureux contrefeux » à cette violence prônée par ces textes ; par exemple que les exclusions prononcées par les autorités hébraïques n’ont pas de caractère raciste (les peuples voisins sont rangés dans la descendance d’Abraham, Ruth la Moabite est la grand-mère de David, etc). De même, il relève que le plaidoyer d’Abraham contre le châtiment prévu par Yahvé pour Sodome, châtiment collectif sans discernement, ce plaidoyer appartient aux trois monothéismes issus d’Abraham.
C’est avec le 2ème Isaïe (dès le chap. 40) que l’on se rapproche de l’idée de non-violence conçue comme efficace, dans les quatre chants du Serviteur souffrant de Yahvé (chap. 42, 49, 50 et 52-3) : la douceur est représentée comme une arme pour désarmer les violents et leur faire prendre conscience de leur violence.
Puis Jésus ; les violences qui lui sont imputées sont mises en perspective de la façon suivante : pour les marchands du Temple, elles relèvent du « zèle prophétique » ; pour les malédictions contre les pharisiens (Mt 23), il ne s’agirait pas de violence mais de « colère souffrante » de les voir gâcher tant de bonnes intentions pieuses transformées en obstacle à une foi vivante ; preuve en serait que Jésus comptait des pharisiens parmi ses amis ; la déformation serait venue du contexte d’une rédaction postérieure d’un demi-siècle. Même explication pour la violence d’un Jésus exigeant d’être suivi au détriment de toute attache humaine (Lc 1251).
Au cœur du message de Jésus se situe au contraire le refus du talion (qui était lui-même un adoucissement : tu ne prendras qu’un œil à qui t’en a pris un), la non-résistance au méchant et même l’amour de l’ennemi (Lc 6).
L’Apocalypse enfin, avec ses diverses malédictions, refléterait surtout un appel de détresse à Dieu pour qu’il fasse cesser les persécutions. Son dernier chapitre conclurait la Bible par la vision d’un retour à une humanité d’avant Caïn avec la chute de Satan : la violence serait ainsi non l’essence de l’Homme mais ce qui le défigure.
Cote CENAC l 220.6 ABA