Dans la collection « Fondations écologiques », destinée à « des ouvrages cherchant à dégager les concepts, les valeurs et les moyens propres à fonder une civilisation respectueuse des limites écologiques d’un côté, et de la diversité des aptitudes et aspirations humaines de l’autre », ce petit livre savant cherche à clarifier si l’actuel engouement pour la « sagesse bouddhiste », ou ce que l’on prend pour telle, sa supposée convergence avec l’écologie moderne (ce qu’on appelle l’écobouddhisme), reposent réellement sur le bouddhisme historique, en particulier sur ses plus anciens textes.
Grand connaisseur du bouddhisme, notamment tibétain, Jean-Marc Falcombello répond par la négative : « Rien ne laisse penser que le Bouddha ait indiqué dans son enseignement l’existence d’une conscience quelque part, d’un grand tout cosmique ou d’une âme du monde » (p. 55). Ou ceci : « Du point de vue bouddhiste, on aura de la peine à estimer que la décroissance est le remède aux problèmes écologiques, car la solution vient moins de la quantité de biens que de notre rapport aux choses – et la décroissance ne règle en rien ce dernier.» (p. 83).
Même scepticisme à l’égard d’autres concepts centraux dans la pensée écologiste moderne : – ainsi de l’interdépendance de toutes choses : s’« il est difficile de ne pas être d’accord avec l’affirmation que tout est connecté », par contre « l’enjeu fondamental de la pensée et de la démarche spirituelle bouddhistes n’est pas de mieux se sentir relié à l’univers afin de développer une attitude responsable et respectueuse à l’égard de l’environnement et des ressources naturelles, […] mais d’amener l’individu à sortir de tout conditionnement et à parvenir à sa véritable nature, […] éveillée et fondamentalement libre » (pp. 45-46). De même, l’élargissement de notre identité « à la Terre entière et aux êtres qui l’habitent » (proposition de Michel Maxime Egger, qui tente désespérément de « sauver » l’écobouddhisme face à son interlocuteur) se voit opposer l’idée que « du point de vue bouddhiste, […] le but n’est pas de développer une autre forme d’identité du "soi" ni d’y ajouter des caractéristiques nouvelles – il y en a déjà bien assez.» (p. 54).
Tout au plus, J.-M. Falcombello (qui n’a strictement rien contre l’écologie, peut-être convient-il de le préciser) reconnaît-il qu’ « il n’y a pas dans le bouddhisme de discontinuité entre l’être humain et les autres formes de vie », même si « il n’y a que l’être humain qui puisse réaliser clairement l’éveil » (pp. 65-66). Et de préciser : « d’un point de vue bouddhiste, on n’a pas, éthiquement parlant, une responsabilité à l’égard du monde, mais à l’égard des actes et de leurs conséquences.» (p. 74)
D’autant plus que : « Agir pour le monde n’est pas une fin en soi, car le monde est illusoire.» (p. 79).
Reste que le contentement, un des principes fondamentaux du bouddhisme, « est sans doute l’un des meilleurs antidotes au consumérisme et donc un moyen de conserver l’environnement.» (p. 81). C’est déjà ça…
Qu’en conclure ? Sans doute que l’écologie est une belle chose, le bouddhisme une autre belle chose, mais que tenter de les mélanger n’apporte rien, ni à l’une, ni à l’autre.
Philippe Beck, 11 juin 2019
Référence complète :
Jean-Marc Falcombello, Le Bouddha est-il vert ? – Conversation avec Michel Maxime Egger, Labor et Fides, Genève, 2017. 98 p. ISBN : 978-2-8309-1640-9
Cote CENAC : 294.3 FAL
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